Apparue à la fin des années 1960 en Finlande1, la marche nordique (MN) est une forme d’activité physique qui, à la différence de la marche régulière, se pratique au moyen de bâtons de marche spécifiques, permettant d’accentuer le mouvement des bras et de propulser le corps vers l’avant. Elle est donc une forme de marche plus active que la marche ordinaire, tout en étant sûre et adaptée au plus grand nombre.2
Le nombre de personnes pratiquant la MN a augmenté de manière significative au cours des dernières années – plus de 10 millions de personnes dans le monde pratiqueraient cette activité3 – poussant les chercheurs à s’intéresser davantage à cette pratique physique. Diverses études récentes rapportent notamment une augmentation de la consommation d’oxygène, de la fréquence cardiaque, du volume expiratoire et de la dépense énergétique lors de la MN à une même vitesse subjective que la marche .4 La MN entraîne ces avantages physiologiques puisqu’elle sollicite l’ensemble des muscles du corps. Par exemple, une étude de 2008 a rapporté une augmentation de la dépense énergétique de plus de 46% comparée à la marche sans bâtons.5
Lorsque l’on se réfère à divers sites internet6,7,8, la MN est également vantée pour ses bienfaits sur les articulations des membres inférieurs. Effectivement, tous rapportent que l’utilisation des bâtons durant la marche réduit le stress sur les genoux et les hanches. La question est de savoir si la littérature scientifique supporte cette affirmation. Pour cela, nous vous ferons part dans cet article des résultats récents de la recherche scientifique sur ce point précis et plus largement sur les potentielles biomécaniques de la MN.
Une marche plus rapide?
En 2015, une étude réalisée auprès de 30 adultes en santé rapporte une augmentation de la cadence de marche (119 pas/min. vs 104 pas/min), de la longueur des foulées (1,4 m vs 1,3 m) et de la longueur des pas (0,72 m vs 0,70 m) lors de la MN par rapport à la marche ordinaire. 9 Une seconde étude note aussi une augmentation de la longueur de foulée d’environ (1,8 m vs 1,6 m) et une augmentation de la vitesse d’environ 3,5%, lors de trois conditions de marche avec bâtons (auto-sélectionnée, bâtons en arrière et bâtons en avant), chez 13 adultes asymptomatiques.10 Dans un groupe de sept femmes âgées en moyenne de 51 ans, une plus grande longueur de foulée durant la MN (0,95 m) versus la marche ordinaire (0,89 m) a été observée.5 Ainsi, la MN permettrait d’augmenter la cadence, la longueur des pas, la longueur des foulées et la vitesse de marche par rapport à la marche ordinaire.9,10,11
Une marche moins traumatisante pour les articulations?
La MN est perçue comme une activité physique permettant de réduire la charge sur les articulations des membres inférieurs, principalement celle des genoux. Les personnes ayant un surplus de poids ou des problèmes au genou, par exemple, pourraient alors en retirer des bénéfices. À ce jour, la majorité des études démontrent que la force verticale augmente significativement lors du contact du talon au sol durant la MN, alors que cette force est diminuée durant les phases intermédiaires et de décollement des orteils. 9,12,13,14 Ainsi, la MN pourrait réduire la charge sur les genoux en distribuant une partie du poids sur les bâtons et le haut du corps lors de phases de marche bien particulières. Par ailleurs, une étude n’est pas arrivée à ce constat suggérant que les forces appliquées sur les bâtons n’étaient pas assez grandes pour réduire la charge sur les genoux.15 Selon cette recherche, le positionnement des bâtons peut diminuer la force de compression sur les genoux, si l’un des bâtons est placé en avant du corps de manière perpendiculaire au sol, comme sur l’image ci-dessous (Fig. 1, Image A). Cependant, cette idée a ensuite été réfutée par une équipe japonaise, qui n’a observé aucune différence significative entre ces deux techniques. 16 Ainsi, la technique employée lors de la marche nordique (Fig. 1, Image B) n’aurait pas forcément d’incidence sur la possible réduction de la charge au niveau des articulations des genoux.
Et en montagne?
La MN et ses variantes sont parfois pratiquées sur des plans plus ou moins inclinés. L’intérêt des bâtons dans ce contexte de pratique est nouvellement étudié. D’un point de vue biomécanique, une étude rapporte que l’utilisation des bâtons lors d’une descente à 25 degrés permet de réduire en moyenne la charge externe et interne sur les genoux entre 10% et 16%.13 Cela s’explique par un déplacement de la force réactionnelle au sol sur les bâtons et un changement de posture plus incliné vers l’avant, réduisant le bras de levier au genou. Toujours lors de la descente, la MN peut aussi alléger une partie du poids du sac à dos et diminuer l’activité musculaire autour des articulations de la cheville et du genou, et limiter une surcharge potentiellement dommageable à la hanche.14 Pour ce qui est de la montée, une étude a démontré que la MN permet de diminuer la force de compression au niveau de la hanche et la force de cisaillement au niveau du genou. 12
Et chez les aînés?
D’un point de vue biomécanique, plusieurs facteurs laissent à croire que la MN est une activité particulièrement intéressante pour les aînés. En effet, deux études ont démontré une réduction de la force médiale et latérale au genou entre 11% et 34% durant la MN chez une personne atteinte d’arthrose au genou.17,18 Sachant que l’arthrose au genou apparait plus fréquemment dans le compartiment médial du genou et que cette pathologie touche 1 personne sur 10 au Canada, la MN devient ainsi attrayante pour cette population d’aînés qui, pour 30% d’entre eux, rapportent des limitations importantes dans leurs activités quotidiennes.19
Durant la MN, il a également été observé que la posture du tronc était plus rectiligne par rapport à la marche ordinaire 14,20,21,22, ce qui peut être particulièrement favorable pour les personnes âgées étant donné la tendance à avoir une posture fléchie en prenant de l’âge.23 Cette posture du tronc en flexion amène le centre de masse du corps vers l’avant, ce qui nécessite une correction posturale ou une surutilisation des muscles extenseurs du rachis, et une réduction de la capacité à répondre à un évènement imprévu.24 À l’inverse, une étude mentionne qu’une position verticale du tronc permet des fonctions respiratoires plus efficaces en augmentant le volume d’oxygène consommé par les poumons.14
Conclusion
En somme, d’un point de vue biomécanique, la MN permet d’augmenter plusieurs paramètres spatio-temporels tels que la cadence et la longueur des pas comparativement à la marche ordinaire. Cela est particulièrement intéressant pour les personnes voulant marcher à un niveau d’intensité plus élevée, mais aussi pour les personnes aînées, sachant que la vitesse de locomotion ainsi que les schémas moteurs de la marche se modifient avec le temps et ont tendance à se dégrader.25 Sur le sol plat, la majorité des auteurs observent une réduction de la charge sur les articulations des genoux lors de l’appui intermédiaire et du décollement des orteils étant donné que la force verticale est nettement allégée grâce aux bâtons qui absorbent une partie du poids et propulse le corps vers l’avant, respectivement. Lorsque l’on marche sur des terrains en descente, les bâtons sont également recommandés puisque l’ensemble des études ont démontré une réduction de la charge sur les genoux dans ce contexte précis. Chez les personnes aînées, nous avons vu que la MN diminue la force médiale du genou chez la personne atteinte d’arthrose au genou et améliore la posture en amenant le tronc de celles-ci plus droit.
Références
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